Nous savons le mal que les thérapeutes ont parfois à se sentir légitimes. Nous pouvons faire toute sorte de formation et être rattrapés par des questions comme "qu’est-ce que je fais vraiment ?", "est-ce que ça marche ?", "combien ça vaut ?", "suis-je prêt ou manquerai-je encore de … ?".
C’est en discutant avec un ami thérapeute pris dans un manque de confiance et plein de questionnements autour de sa légitimité que je me suis rendue compte combien la relation thérapeutique pouvait être sous-estimée. Moi qui le voyais agir, l’ami en question, et qui ai pleinement confiance en lui, me suis demandée comment lui parler de toute sa capacité à entrer en lien et à ce qu’il offre à ses patients à travers ce lien. C’est en tentant de le lui montrer que j’ai aperçu cet impalpable et peu reconnu, notre principal outil de travail : la relation humaine !
Un agriculteur travaille la terre, un informaticien avec son ordinateur. Nous, les thérapeutes, notre principal outil c’est la relation.
Impalpable… banalisée… dévalorisée… Mais sans doute le principal endroit de l’évolution humaine.
C’est dans la relation à l’autre que l’on se construit un ego en arrivant au monde. C’est là où on se crée de repères et où on apprend la vie. C’est aussi là où on construit une bonne ou mauvaise estime de soi. C’est où on s’expérimente et trouve les joies du partage. C’est l’endroit où l’on se blesse et par le fait même celui où on pourra se guérir !
Il n’y a pas de vie sans relation.
Combien de temps par jour dans notre vie de société nous avons des moments de partage intenses et authentiques qui nous nourrissent et nous donnent envie d’être meilleurs ? Comment vivre sans cela ? Comment l’estimer ? Comment le revaloriser ?
Nous les thérapeutes, nous nous offrons à cette expérience.
Le patient, chez nous, trouve une écoute, une disponibilité et le plus que possible une neutralité. Il a quelqu’un devant lui, passionné et prêt à comprendre ses propres mystères avec lui ! Vous vous rendez compte de ce que c’est ?
Comment agit la relation ?
Donc, le patient arrive et rencontre une personne qu’il ne connaît pas et avec qui il peut commencer de zéro. Mais évidemment, il ne va pas commencer de zéro. Il arrive avec ses bagages et il les pose devant vous ! (Si on arrivait à commencer chaque relation de zéro, est-ce qu’on irait vraiment en thérapie ?) Inconsciemment il projette, ou mieux, il transfère, tous ce qu’il connait d’avant dans cette relation avec vous. Il voit en vous une possibilité nouvelle, mais il vous voit avec ses filtres à lui… Il pourra vous projeter le regard méprisant de sa grande sœur… ou une attitude surprotectrice de sa mère, par exemple… Il peut croire que vous avez besoin de lui comme c’était vrai avec un de ses parents et d’un jour à l’autre il peut se mettre à avoir peur de vous, car entre 2 séances il croit avoir fauté (effectivement la même chose avec sa mère aurait donné une fessée ou une engueulade).
Alors nous sommes là à lui offrir humainement la possibilité de sortir de ses schémas anciens. Nous nous prêtons à ce qu’il revive ses schémas de façon sécurisée et sommes une possibilité d’une expérience guérisseuse par sa nouveauté.
Pour rendre concret, un exemple :
Un patient travaille avec moi depuis un certain temps et ça fait 3 ou 4 séances qu’il me parle toujours de ses changements positifs. Il va très bien, il est content. Je le reconnais, je l’accompagne, je l'encourage. Puis un jour, il arrive mal. Il ne veut pas se livrer, je vois qu’il a honte de moi, la séance paraît bloquée… il me regarde gêné. Je me mobilise, je l’interroge, je tente de comprendre ce qui se joue… Et ça ne se passe pas comme il a cru… il retrouve en moi de la curiosité pour son état. Il n’y a pas le jugement auquel il s’y attendait et pour lequel il avait eu honte d’avance. Au contraire il trouve mon intérêt sincère, ma disponibilité avec de la bienveillance. Voilà, que toute sa mauvaise image de lui ne se confirme pas dans mon regard. Et ce, dans le vécu. C’est à ce moment là que l’enfant intérieur apeuré en lui a trouvé du nouveau. Cet aspect de la relation est venu guérir une facette de sa psyché car il a eu pour action de défaire un ancien schéma du passé.
Voici un exemple de l’impalpable et mystérieux de la vie du thérapeute !
Vous pouvez tout simplement l’appeler le transfert et ainsi, mieux le considérer.
C’est aussi pour cela qu’il est si important que le thérapeute travaille sur lui, qu’il se connaisse et qu’il soit à jour avec lui-même. En se connaissant bien il ne répondra pas à ce qui a été projeté en lui. Il aura suffisamment de distance pour pouvoir voir son patient là où il est vraiment.
Voyez agir la relation !
Plus vous êtes vous-même en vous appuyant sur vos connaissances, vos études, vos intuitions et votre coeur ouvert, plus vous allez naturellement vous offrir, à vous et à vos patients, de nouvelles expériences qui seront guérisseuses ! Car c’est la vie même qui se renouvelle tous les jours au lieu de confirmer et reconfirmer le passé à travers les mêmes schémas de relation.
Par l’expérimentation nous rencontrons notre force de reconstruction et nous nous initions à la sécurité intérieure.
Le thérapeute navigue dans des eaux mystérieuses… Son premier instrument impalpable : l’inconscient ! Qu’avec la pratique devient concret et une composante essentielle de la vie de tous les jours. Cette parenthèse est là pour nous encourager à valoriser le monde du thérapeute et l’importance de travailler avec le potentiel humain ! Qui commence évidemment par le potentiel humain du propre thérapeute.
Alors comment marier techniques/méthodes et l’humain ?
Bonne question car il y en a partout, des outils et des techniques pour entrer en relation et pour appuyer le travail sur soi.
Il y a des outils qui extraient de la matière à travailler, d’autres qui apaisent l’individu, par exemple. Il y en a qui vont donner un moyen d’entrer en relation par le corps, d’autres par la parole, d’autres encore par les mondes subtils de l’énergie. Il y en a qui mettent en scène, qui transforment, qui analysent… Enfin, il y en a de toute sorte ! Comme les vêtements ! Des mini-jupes, des robes de soirées… et il y a même l’effet de mode ! A vous de composer votre garde-robe avec ce qui exprime au mieux votre nature.
Et c’est un équilibre vivant, au quotidien. Il y a des moments où vous avez envie d’un nouvel outil/technique pour stimuler votre créativité et vous renouveler et il y a aussi des séances où l’écoute suffit…
Pour finir j’aime bien l’image de l’instrument de musique :
Plus le musicien a fait ses gammes, connu et travaillé son instrument, plus ses doigts vont transmettre avec fluidité ce qu’il veut interpréter sur l’instrument. Les techniques apprises peuvent donner des voies à exprimer la créativité, des capacités, des idées pour composer ou pour nuancer ce qui veut être transmis.
Et le moment où le public est le plus touché c’est ce moment où l’émotion passe. Le moment où la vérité, l’essence, l’âme, appelons-le comme on veut, est au rendez-vous ! Ce moment est atemporel !
C’est le tout qui est plus grand que la somme des parties.
En thérapie c’est exactement pareil. Vous sortez votre boîte à outils, vous expérimentez toute sorte de chose, vous cherchez avec votre patient… vous recueillez des informations… et puis… il y a un moment où il est touché un peu plus profondément… et là vous respirez avant tout et vous l’accompagnez. Avec votre tête qui garde des repères intellectuels… Avec votre coeur plein d’empathie pour cet être qui est touché devant son propre énigme. Avec votre âme qui connaît les joies et les galères de la vie sur terre.
Je peux vous dire que quand votre patient reçoit tout ça de vous, vous pouvez être sûr qu’il part différemment. Il ne saura pas forcément expliquer mais il aura été rejoint et il pourra puiser dans l’expérience ce qui est guérisseur pour lui. Le lien ? La confiance ? L’écoute ? L’amour ? La franchise ? Qui sait ? Vous serez là la semaine d’après pour le recevoir nouveau et à nouveau !
Leina Saraiva - Phénothérapeute
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