reconversion informaticien therapeutePasser du métier d'informaticien à celui de thérapeute, oui, c'est possible ... et c'est une sacrée aventure !  Je partage ici mon expérience et le cheminement de ma reconversion professionnelle à travers un interview. 

Bonjour Anne-Claire, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? 

Je m'appelle Anne-Claire, j'ai 45 ans. Je suis informaticienne depuis 23 ans, et psychopraticienne dans l'Approche Centrée sur la personne de Carl Rogers, et en Focusing d'Eugene Gendlin depuis 2 ans. Je suis actuellement en transition pour faire de mon métier de psychopraticienne mon activité principale ...

 

Est-ce que vous aviez déjà une approche de la thérapie ?

En fait, c'est ma propre thérapie qui m'a fait découvrir ce monde alors inconnu pour moi.

Pourquoi avez-vous eu envie de vous tourner vers ce domaine ?

C'est cette expérience thérapeutique personnelle qui m'a donné envie de me tourner vers la psychologie.
J'allais mal. J'étais mal. Ma vie n'avançait pas. J'avais besoin de parler à quelqu'un, de confiance et de neutre.
Ce travail personnel m'a permis de me trouver, enfin ! J'ai pu comprendre et accepter, entre autres, le fait que je n'aimais pas l'informatique, que c'était purement alimentaire, que ça me pompait beaucoup d'énergie. Je pouvais enfin me détacher du regard des autres qui m'avait si longtemps paralysé. Enfin je pouvais avancer vers MA vie.
J'ai trouvé cette expérience tellement puissante, réparatrice, vivante, que progressivement s'est installée en moi l'idée d'en faire profiter ceux qui étaient en souffrance ...

Y a t-il eu un déclic, une révélation ? si oui lequel /laquelle?

Non, pas de déclic ni de révélation : tout s'est fait de façon extrêmement douce et progressive, comme un brouillard qui se lève petit à petit. J'ai vu de plus en plus clair. C'est devenu une évidence, une évidence "intérieure" que j'étais "construite" pour travailler en lien avec les autres (et non pas avec les machines !), pour être à leur écoute ...

Pourquoi avoir choisi l'ACP et le focusing ?

Je crois n'avoir rien choisi : c'est l'ACP et le focusing qui m'ont choisi !
La thérapeute, la seule, que j'ai vue, à été tout de suite la bonne : tout à collé avec elle. Je me sentais écoutée, non jugée, en sécurité ... Elle utilise l'ACP et le Focusing ...

Que peut apporter le focusing dans une séance de thérapie ?

Tout d'abord, il faut bien comprendre qu'il n'y a pas de Focusing sans ACP : les attitudes de l'ACP (empathie, accueil positif inconditionnel et congruence) sont la base, le socle du Focusing.
Le Focusing permet "en plus" de se détacher du mental (qui peut tourner indéfiniment), de descendre son attention dans son corps afin de se connecter à ses ressentis kinesthésiques, et de laisser émerger à la conscience ces "niveaux" de nous qui n'étaient pas conscient jusque là ... mais qui étaient bien là !
Par exemple, je remarque que j'ai une boule dans la gorge : qu'est-ce que ça me fait vivre ? Qu'est ce que ce niveau de moi est en train de me dire ?...
C'est très puissant, et extrêmement réparateur ...

Comment avez-vous choisi votre école ?

Avant de ma lancer dans une formation certifiante, j'avais déjà suivi 2 petites formations d'initiation à l'ACP et au Focusing, dispensées par ma thérapeute.
Mais j'ai eu envie d'aller plus loin, et comprenant que l'ACP était indispensable à une bonne pratique du Focusing, j'ai choisi de m'orienter vers cette approche.
J'ai comparé plusieurs écoles. L'IFRDP m'a plu parce que le 1er cycle ne comprenait "que" 12 jours : cela me semblait idéal "juste pour voir". Ça n'était pas trop engageant, que ce soit en temps ou financièrement. Et cela ne m'engageait pas non plus pour les deux cycles suivants.
Sauf qu'à peine ai-je mis le doigt dedans que j'y suis allée toute entière ! Aucun doute ne s'est dressé devant moi, jusqu'au bout ...

Comment avez-vous pu financer votre projet ?

Dès le début de ma formation, j'ai fait une demande de financement auprès du FONGECIF de ma région. Financement qui m'a été refusé 3 fois, et que j'ai renouvelé chaque année ... J'ai donc financé - ou plus exactement mon banquier ! - les 2 premiers cycles (sur 2 ans 1/2). Quand au temps, c'était sur la totalité de mes congés payés.
J'ai finalement réussi à obtenir un financement partiel du FONGECIF (80%) pour les deux dernières années (3ème cycle).
Je dois dire que sans cela, je n'aurais pas pu continuer : j'étais physiquement et financièrement épuisée.

Comment avez vous pu gérer la transition ?

Je suis en plein dedans, et ce n'est pas facile !
Depuis début 2014, je me suis libérée tous les mercredis après-midi (sans solde) dans le but de développer mon activité de thérapeute, et aussi de proposer aux personnes qui me contactent un créneau confortable.
Ce qui est difficile, c'est de libérer suffisamment de temps et "d'ouvrir" pour accueillir mes clients, et en même temps de continuer à assurer financièrement (cette nouvelle activité étant encore loin d'être viable).
J'apprends la patience : l'augmentation de mon activité est vraiment lente. Mais elle est constante ! Et c'est très encourageant.

Comment cette reconversion a t elle été perçue dans votre entreprise ?

Je dois dire que jusque là, ça se passe vraiment bien avec mon employeur : je me sens "accompagnée" dans le sens noble du terme.
J'ai toujours été, et continue à être, extrêmement claire et transparente avec mes responsables : je ne leur ai jamais rien caché quant-à mes projets.
En même temps, je continue à faire de mon mieux dans mon boulot d'informaticienne.

Quelles sont les aspects que vous n'aviez pas imaginés dans le métier de psychopraticien et que vous avez appris pendant votre formation ?

Ce qui m'a le plus surpris dans cette formation, c'est que je savais déjà les choses !!! Je veux dire qu'ayant pratiqué en tant que cliente, ACP et Focusing pendant les 7 années précédents ma formation, j'en connaissais parfaitement les fonctionnements. Cette formation est venue poser des mots et une théorie sur une pratique. Du coup, ça me "parlait", c'était vraiment "facile", "évident".

La seconde chose qui m'a surprise dans cette formation, c'est le vécu de groupe et son rôle puissamment thérapeutique. Combien de fois suis-je rentrée "la tête à l'envers", complètement (mais positivement !) secouée par le vécu de ces semaines de partages authentiques ...

Avez-vous trouvé la formation complète et suffisante pour "se lancer" ? 

Oui. Plusieurs choses ont été particulièrement formatrices :
- C'est une formation très "expérientielle" : il y a beaucoup de "labos" de proposés. Ce sont des mises en situations d'écoute (un étudiant est le client, un autre est le thérapeute, et un troisième est l'observateur). Cela permet d'expérimenter toutes les postures : celle du client permet de "sentir" comment c'est d'être accueilli inconditionnellement, celle du thérapeute permet de s'entraîner à l'empathie et la congruence, et celle de l'observateur permet d'avoir une vue extérieure et d'échanger ensuite.
- Et puis, dès le 2nd cycle, il nous est conseillé d'avoir une pratique d'écoute personnelle (d'avoir un client ou deux, avec toutes les précautions d'usage bien entendu !). Cela permet des échanges d'expériences, des questionnements et des réflexions lors des semaines de formations. Et c'est vraiment du concret pour illustrer les théories abordées.
- En 3ème cycle, une pratique de quelques clients est obligatoire. Et une supervision collective est contenue dans la formation. Partager autour des expériences de chacun est passionnant et extrêmement formateur.
- Un dernière chose m'a semblé essentielle aussi : c'est l'écriture du mémoire et sa soutenance publique (qui permet la validation de la formation). ça demande beaucoup de travail, mais ça permet aussi d'avoir un autre regard sur sa pratique.

Je voudrais ajouter pour terminer que je trouve la formation suffisamment complète pour se lancer à condition d'avoir une pratique personnelle en parallèle (être en thérapie ACP et Focusing). Pour moi, rien de tel que d'explorer et d'expérimenter les choses pour soi, "de l'intérieur" : c'est primordial de savoir ce que ça fait d'être reçue sans jugement, d'être entendue là où je suis, de faire l'expérience personnelle du Focusing ... Cette expérience là me semble nécessaire et indispensable pour bien accompagner les personnes qui viennent à moi.

Qu'est-ce qui a été le plus difficile pendant votre période de reconversion ?

Sans aucun doute la sécurité financière et la non visibilité ...
Je passe d'un travail salarié - inconfortable certes, mais relativement sûr, sans me poser trop de questions sur mon avenir et mon salaire qui est toujours le même à la fin du mois -, à un travail indépendant où mon activité et mon revenu deviennent aléatoires ...

Comment vous sentez-vous aujourd'hui par rapport à votre nouveau métier ?

Je ne me suis jamais sentie aussi vivante dans mon travail : il me nourrit, me donne de l'élan et de l'énergie. Et j'ai enfin l'impression d'être utile, et de savoir pourquoi je le fais.

Êtes vous plus proche de vos valeurs ?

Sans aucun doute. Je suis plus proche de moi-même, mon être intime. Je me ressemble enfin ...

Comment voyez-vous l'avenir ?

Avec beaucoup de confiance.

Quels conseils pouvez-vous donner aux personnes qui souhaitent d’une part effectuer une reconversion professionnelle, et d’autre part, devenir thérapeute ?

Je pense que la condition sine qua none pour effectuer une reconversion professionnelle est de savoir ce que l'on a vraiment envie de faire, ce pour quoi on est fait ...
Ensuite je pense que, contrairement à ce que j'entends souvent, il n'est pas nécessaire d'avoir une vue détaillée et ultra précise de son projet et de sa finalité. Je veux dire par là qu'on peut vraiment faire confiance en ses capacités et ressources, et que les choses se précisent au fur et à mesure qu'on avance, comme un chemin sinueux qui donne une visibilité jusqu'au prochain virage ... Il faut "juste" accepter d'être surpris par la tournure des choses, accepter qu'elles ne se passent pas exactement comme on les avait programmées ...
Quant-au métier de thérapeute, si vous vous sentez "construit" pour cela, pourquoi hésiter ?...

Anne-Claire Maudet - Psychopraticienne à l'Approche Centrée sur la Personne et en Focusing
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Sa formation : IFRDP